FONCTION PUBLIQUE : RESPONSABILITE MEME SANS FAUTE DE L’ADMINISTRATION EN CAS HARCELEMENT MORAL
Responsabilité de l'Administration en Cas de Harcèlement Moral, Même Sans Faute
CE, 28 juin 2019, n° 415863, l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires définit le harcèlement moral comme des agissements répétés ayant pour effet ou pour objet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de la victime, d'altérer sa santé physique ou mentale ou « de compromettre son avenir professionnel ». Dans une décision du Conseil d'État du 11 juillet 2011, la Haute Assemblée a fixé la méthodologie de la preuve en matière de harcèlement moral dans la fonction publique. Le juge considère qu’« il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; [...] il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; [...] la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile » (CE 11 juill. 2011, Mme Montaut, req. no 321225). La jurisprudence administrative tend donc à faciliter la charge de la preuve au profit de l'agent public qui s'estime victime de faits de harcèlement. Plusieurs types de comportements constitutifs de harcèlement dont serait victime un agent public ont été identifiés par le juge administratif. Le plus souvent, les faits de harcèlement moral émanent d’un supérieur hiérarchique, mais le juge administratif retient aussi des faits de harcèlement entre collègues (CE, 1er oct. 2014, n° 366002).
Responsabilité de l'Administration
Dans la présente décision, le Conseil d'État précise davantage le régime du harcèlement moral dans la fonction publique : l'administration doit réparer les préjudices même en l'absence de faute de sa part. En effet, la haute juridiction estime que lorsqu'un agent est victime d'agissements de harcèlement moral, « il peut demander à être indemnisé par l'administration de la totalité du préjudice subi, alors même que ces agissements ne résulteraient pas d'une faute qui serait imputable à celle-ci. Dans ce cas, si ces agissements sont imputables en tout ou partie à une faute personnelle d'un autre ou d'autres agents publics, le juge administratif, saisi en ce sens par l'administration, détermine la contribution de cet ou de ces agents à la charge de la réparation ». En d’autres termes, l'absence de faute ou de carence de l'Administration à faire cesser les faits de harcèlement ne suffit pas à empêcher la mise en jeu de sa responsabilité. Ainsi, même si l'administration a pris toutes les mesures nécessaires pour faire cesser les faits de harcèlement, la simple existence de faits de harcèlement moral conduit à l’engagement de sa responsabilité et donc à l’indemnisation de préjudices.
Cas Pratique
En l’espèce, la requérante avait été nommée comme proviseur dans un lycée. À son arrivée, elle a constaté l'existence de pratiques contestables en matière d’heures supplémentaires au sein de l'établissement qu’elle a tenté de faire cesser, provoquant ainsi l’hostilité du personnel. Face à cette situation, le recteur d'académie a procédé à la mutation de la requérante. Ainsi, même si l’administration a pris les mesures nécessaires pour faire cesser la situation de harcèlement moral et qu’aucune carence n’a pu lui être reprochée, sa responsabilité est engagée. Le Conseil d’État consacre ainsi un régime de responsabilité sans faute de l’administration dans le cas du harcèlement moral.
Les conseils d’un avocat, spécialiste en droit public, sont indispensables.
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